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13 décembre 1998 – 13 décembre 2019, cela fait exactement 21 ans que le journaliste Norbert Zongo, son frère Ernest Zongo, son collaborateur Blaise Ilboudo et leur chauffeur Alassé Nikiema ont été sauvagement assassinés à quelques encablures de Sapouy. Non contents de leur avoir ôté la vie, les bourreaux les ont réduits en cendres en incendiant leurs corps.
Malgré la forte mobilisation au plan national et international contre l’impunité de ce crime odieux, 21 ans après, les familles et tous les Burkinabè épris de justice attendent encore que la lumière soit définitivement faite sur cette barbarie indigne de l’espèce humaine.
Dès la commission de ces crimes odieux, tous les regards étaient tournés vers la famille présidentielle, notamment François Compaoré, le frère cadet de l’ex-président. En effet, le Journaliste Norbert Zongo enquêtait depuis plusieurs mois, sur l’assassinat du chauffeur de ce dernier, torturé par des éléments de la garde rapprochée du Président Blaise Compaoré. Toutes les enquêtes sérieuses ouvertes (Commission d’enquêtes de Reporters sans Frontières, Commission d’enquêtes mise en place par le Collectif contre l’impunité, Commission d’enquête indépendante mise en place par le gouvernement, enquête judiciaire) sur l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons ont conduit vers la responsabilité de François Compaoré et de la garde prétorienne de son frère Blaise Compaoré. Mieux, 6 « suspects sérieux » avaient même été formellement identifiés par la Commission d’Enquête Indépendante mise en place par le gouvernement. Trois d’entre eux (l’adjudant Marcel Kafando, le Sergent Edmond Koama et le Caporal Ousséni Yaro) avaient été reconnus coupables de la mise à mort de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré sur laquelle enquêtait le Journaliste Norbert Zongo. Tous les trois sont morts à ce jour. L’un de ces suspects est inculpé dans l’assassinat du président Thomas Sankara.
Fort de sa position de frère du Président du Faso et principal maillon du pouvoir de son frère aîné, François Compaoré est demeuré intouchable jusqu’à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Il avait même réussi à faire classer sans suite le dossier à travers un non-lieu prononcé en 2006 en faveur de feu Marcel Kafando, seul inculpé, avant la chute du président Blaise Compaoré.
Mais l’impunité des crimes économiques et de sang qui jonchaient le parcours de ce régime depuis son avènement sanglant le 15 octobre 1987, les injustices, la boulimie du pouvoir ont fini par susciter la révolte et la colère populaire. Entamée depuis au lendemain du drame de Sapouy, cette révolte a fini par emporter le régime du Président Comparé, le contraignant à l’exil, le 31 octobre 2014.
Depuis le régime de la Transition, le dossier a été rouvert et le juge d’instruction a procédé à des inculpations. Naturellement, il n’a pas mis du temps à remonter à François Compaoré. Exilé en France, ce dernier refuse de se présenter aux convocations du juge. Un mandat d’arrêt international a été décerné contre lui. Le Gouvernement burkinabè a introduit une demande de son extradition à la requête du juge d’instruction. Statuant sur cette demande de l’Etat burkinabè, la Cour d’appel de Paris a émis un avis favorable en décembre 2018. François Compaoré et ses avocats ont introduit un recours contre cette décision devant la cour de cassation. Nouvel échec ! Le 5 juin 2019, la Cour de cassation rejette le pourvoi, confirmant ainsi l’avis favorable de la cour d’appel.
La Justice française a donc fait une bonne partie du boulot. Il ne restait plus que le politique, à travers le gouvernement, notamment le premier ministre français, qui doit prendre le décret d’extradition.
Mais depuis, plus de 6 mois, le gouvernement français n’a bougé le moindre doigt dans cette affaire malgré la promesse ferme du Président Emmanuel Macron à Ouagadougou en avril 2018 de ne point entraver la procédure judiciaire. A quel jeu se livre le gouvernement français ? Quelles sont ses intentions réelles ? Pourquoi il tarde à mettre en œuvre ses propres engagements ? s’interrogent légitimement, les organisations professionnelles des médias, de défense des droits humains et des libertés individuelles et collectives du Burkina. Elles constatent avec amertume que le gouvernement français semble s’inscrire dans la logique de permettre à François Compaoré et ses avocats de gagner en temps. En effet, les organisations signataires de la présente déclaration, ne comprennent pas cette lenteur administrative de la part du Pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité dans un dossier de crime aussi abominable. Elle s’interroge sur les raisons de ces lenteurs qui ne font qu’alourdir les supplices de toutes sortes que subissent les ayants droits des victimes depuis 1998.
C’est pourquoi, à l’occasion du 21ème anniversaire de ces assassinats, nous, responsables de ces organisations signataires de la présente déclaration, interpellons solennellement le Président de la République Française et son gouvernement, sur l’urgence de prendre enfin ce décret d’extradition de M. François Compaoré pour qu’il réponde devant le juge des faits qui lui sont reprochés.
Nous demandons à la France de clarifier sa position par rapport à cette demande d’extradition de François Compaoré. Nous ne comprenons pas qu’alors que le président français en personne l’avait promis à Ouagadougou, François Compaoré ne soit toujours pas extradé, et ce, malgré le quitus de la justice française.
Nous exprimons ici notre indignation ainsi que le ras le bol des populations burkinabè face à la prise en otage de ce dossier par la collusion entre les élites africaines et occidentales, renforçant le sentiment que la France ne joue pas franc-jeu avec les Pays africains.
Nous voudrions saisir cette occasion pour souligner la nécessité pour les autorités françaises actuelles à rendre la justice possible dans un dossier aussi emblématique que celui de Norbert Zongo.
En tout état de cause, la France doit se rendre à l’évidence. Le long combat du peuple burkinabè pour la justice pour Norbert Zongo et ses compagnons d’infortune, les sacrifices de sa mère, ses frères et ses sœurs, ses enfants, etc. et tous les combats des peuples d’Afrique pour la liberté, l’indépendance réelle, ne seront pas vains. Ces peuples poursuivront le Combat jusqu’à la victoire finale. Tôt ou tard, le jour de la justice viendra. Et ce sera justice.
Nonobstant l’inertie de l’Etat français portant sur l’extradition de François Compaoré , il est nécessaire que la justice Burkinabè puisse faire son travail et que le procès puisse être programmé dans les plus brefs délais, que François Compaoré soit extradé ou pas !
Nan Lara An Sara !
Ont signé :
Pour l’AEPML, Amidou KABRE, Secrétaire général
Pour l’AJB , Boukary OUOBA, Secrétaire General
Pour le Balai Citoyen, Eric Ismaël KINDA, Porte-parole
Pour le CNP-NZ, Guezouma SANOGO, Président,
Pour le CIFDHA, Urbain K. Yameogo, Président
Pour la SEP, Boureima OUEDRAOGO, Président
Pour Semfilms, Luc Y DAMIBA, Président
Pour le SYNATIC, Siriki DRAME, Secrétaire General
Pour l’UNALFA, Charlemagne ABISSY, Président
Pour UBESTV, Issoufou SARE, Président